Parfois, après une séance du Groupe de Travail Keith Johnstone (GTKJ) ou du Labo d’Again! Productions, je poste des réflexions sur notre forum interne. Je me suis dit que ça pourrait être utile de les partager ici…
GTKJ du 23/06/2013
La plupart du temps en impro, on est dans un état de faux engagement. Cela se manifeste par exemple dans le contact physique : les baisers ne sont pas vrais, les caresses sont brouillonnes, la violence est fausse, on retient ou on pousse quelqu’un contre son gré sans appliquer réellement de force, etc… Cela se voit aussi dans le respect (ou non) des thèmes, des styles ou des situations : on est approximatifs dans une scène qui nécessite des termes techniques, l’environnement physique n’est pas assumé, on n’ose pas vraiment jouer des personnages crédibles dans une scène de western / de science-fiction / policière, etc…
Lorsque le jeu en séance reste à ce niveau superficiel, je me dis que la séance est un échec et qu’en tant qu’animateur, je n’ai pas réussi à amener les participants à libérer leur potentiel et à sortir de leur zone de confort. Même si l’exercice, en l’occurrence “He Said / She Said”, était conçu spécifiquement pour libérer l’improvisateur et l’autoriser à aller dans des situations généralement “interdites” ou “taboue”… Peut-être devrais-je “pousser” plus les participants ou prendre plus de temps pour créer une ambiance de travail favorable pour faire sortir autre chose que ce qu’on voit habituellement…
Cependant, je pense que la responsabilité du succès d’une séance appartient aussi aux comédiens : ces derniers peuvent parfois être pudiques et ne pas aller au bout de leurs gestes ou ne pas oser exploiter leur propre culture (technique, thématique) sur scène.
Quelle part est due aux comédiens et quelle part est due à l’animateur ?
Réaction de participants
En ce qui concerne l’investissement, effectivement, il y a une part de pudeur non négligeable. Il y a la question personnelle de savoir “à quel point puis-je me dévoiler ?” ainsi que la question de savoir “jusqu’où puis-je aller avec ce(tte) partenaire de scène ?”.
Pour les genres, je crois que souvent on ne connaît pas les codes ou on ne les maîtrise pas suffisamment pour aller plus dans le détail. Cette année dans mon groupe, on a expérimenté la reproduction de genres et d’époques et d’époques en atelier en essayant d’en faire autre choses qu’un gadget, c’est super dur. Typiquement, on a essayé de faire une scène se passant dans les années 50 et nos cerveaux étaient obnubilés par la crainte de faire des faux-pas.
Et dans les cas où on connaît bien les codes, on n’est pas suffisamment à l’aise avec pour les utiliser naturellement dans la scène. Généralement, ce qu’il se passe, c’est que tous les codes du genre sont “déroulés” les uns après les autres l’air de dire “Vous avez vu ? Je connais ça et ça !”, mais au final, ça sert/nourrit rarement la scène. Donc, je dirais qu’il faut bosser les genres un par un pendant un certains temps afin d’être à l’aise dedans et d’aller plus loin.
Emmanuel
Souvent on ose pas assez s’investir plus dans les personnages et la scène. Donc c’est la responsabilité des comédiens de travailler tout ça et le metteur en scène peut/doit les y pousser.
Cécile
Le paradoxe sur le comédien de Diderot ? Suggères tu d’avoir des scènes avec de la vraie violence dedans ?
Un de mes groupe préféré, c’est Austentatious à Londres. Il font du Jane Austen improvisé. Ils maîtrisent très bien les codes, mais ils n’hésitent pas non plus à dérailler, et ça fonctionne assez bien.
C’est toujours plus facile de jouer dans un univers familier. On a tous nos préférences pour un type d’univers, et c’est plus facile de l’explorer. Par exemple, il y a pas mal de gens dans le groupe qui aiment les mangas, je suis certain que vous pourriez faire des impros mangas, voir même shonen…
Le problème est que l’impro est dominée par des “genres” incontournables qui ont défini ce qu’on pouvait faire ou pas. Les genre “authorisés” sont : Molière, Shakespeare, Tarantino, western, super-héros, science fiction (qui est en fait la plus part du temps space opera/star trek)… Mais il y a plein d’autres genres qui ne sont pas explorés du tout : manga, jeux vidéos, tout le reste de la science fiction (pensez à Dune par exemple, qui n’a rien à voir avec “Mon commandant, le vaisseau est prêt à décoller !”), zombies (qui reste très rare, mais j’en ai vu). Et pourquoi pas Spike Lee (avec un héros noir, un thème socio-économique, et des longues énumérations) ? Ca pourrait être un truc intéressant à faire dans les équipes de Theatresports : lister les trucs que vous connaissez et aimez vraiment bien, et si vous trouvez des trucs qui plaisent à tout le monde, l’utiliser comme genre dans les scènes.
Après, je crois que le mieux pour un genre, c’est pas une scène courte, mais un format long avec UN SEUL genre qui peut être travaillé par tout le groupe pendant longtemps, et qui a de la place pour se développer (et pas faire juste un catalogue de références).
Ouardane
Source: improviser.fr Les scènes “vraies”